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  • : Le blog de la chambre floue - eric méfret
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[ici tout est 
fabriqué maison]

 

 

Les machines aussi
attirent les mouches…

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Liste D'articles

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Salut à tous ceux qui passent par cette chambre, et qui résisteront au zapping frénétique dont nous sommes tous victimes. Vous venez donc de vous échouer là, une adresse pami des milliards d'autres… Tout cela  pour lire — accompagné  cette fois-ci du groupe A place of bury strangers et des des Young gods —  la suite des aventures de Martin Clone, de Cécile. B, et des autres…

J'en profite pour vous dire que mon prochain roman aura pour titre, lui aussi "la Chambre floue". Est-ce  blog qui a contaminé mon texte ou le contraire. je ne le saurai jamais. Sachez tout de même que ce roman en préparation en est à son 16è chapitres et qu'il en comptera environ 25. 

Mais je m'égare… vous qui lisez NEUROCONNEX au compte goutte n'en êtes pas encore là.

Alors voici venir le temps de mettre en ligne le onzième et le douzième chapitre.

Avant de vous quitter, sachez aussi que NEUROCONNEX sera disponible dés la rentrée en vrai livre de poche et en vrai papier sur ce même site, et cela au tarif minimum.

Encore une chose pour ceux qui arriveraient en route. Les précédents chapitres sont disponibles dans la colonne de gauche !


 

  Comme vous en êtes aujourd’hui les heureux témoins, chers associé(e) s, la quasi totalité des courbes flirtent avec des sommets jamais atteints par notre entreprise bien aimée. Pourtant je dois vous mettre en garde, car il ne faut pas se laisser duper par ces indices reflétant le beau fixe. Messieurs, mesdames, nos projections parlent d’elles-mêmes. L’arrêt de cette progression est imminente et je vous l’avoue, je n’envisage pas que notre entreprise puisse ne serait-ce qu’entamer une période de stagnation.

   Aussi je vous propose aujourd’hui de projeter Dream©OM dans des perspectives économiques à la mesure de son développement, et ainsi d’envisager ce qui était il y a encore six mois impensable [L’administrateur Vanoli avait laisser traîner sa voix, se délectant de la mine déconfite de quelques uns de ses confrères]. Je vous l'annonce : j’envisage le passage de Dream©OM au Premier Plan du Marché dans les prochaines semaines.

 

Réunion mensuelle du cercle des administrateurs de Dream©OM (intervention rajoutée au dernier moment à l’ordre du jour).

 

 

 

 

44,5 %

 

3h53

L’escadron noir louvoyait dans la nuit, se faufilait en file indienne. On aurait dit un lombric rampant dans l’ombre épaisse, ondulant, se glissant le long de murs découpés dans du carton. L’animal parut hésiter une poignée de secondes mais reprit sa reptation pour s’arrêter un peu plus loin. Alors le ver se coupa de part en part pour donner naissance à huit individus le visage barbouillé de nuit, ombres sur ombres. Arrivé à destination, la larve s’agglutina de chaque côté de la porte grisée par la nuit artificielle de Systemville.

— Darvon… lacrymo ?

— Parés…

— Martinez… menottes ?

— Parés.

— Traoré… immobilisation ?

— C’est bon.

— Bourdier… immobilisation ?

— Paré mais…

— Mais quoi ?

— Rien.

— Dussarte… immobilisation ?

— Paré.

— Frères Ouest… couverture de l’arrières – ok !

— C’est bon — C’est bon

— On y va !

Les employés municipaux portaient tous le même uniforme, une version kevlar du bleu traditionnel, une version suréquipée enrichie de gants et de bottes, ainsi que de tout un attirail commando-intervention dernier cri. Comme dans l’armée une bande kraft indiquait leur patronyme. Seul le chef se distinguait par une blouse noire fendue dans le dos, et par une besace bien remplie lui tombant sur les hanches. Autres signes le distinguant un bonnet de couleur sombre équipé de caches oreilles.

Il sortit un rouleau brillant, scotcha en croix le carreau et l’enfonça d’un cou de coude. Une fois l’éclat déposé à terre dans le plus grand silence, il plongea sans trembler sa main gantée de cuir noir entre les dents de verre brisés. La poignée de cuivre tourna sans bruit. La voie était libre.

La salle à manger se coulait dans une obscurité presque complète, inexistante. Seules quelques tâches grises et clairsemées donnaient un semblant de relief au décor dans lequel le commando municipal évoluait.

— Lunettes de nuit…

D’un seul geste les huit hommes peints en noir dégainèrent leurs lunettes de vision nocturne de leur poche avant-bras droit et se les posèrent sur le nez. De chacune des seize branches naquit un rameau graisseux tournicotant sur lui-même, une sorte de fibre nerveuse programmée pour trouver le chemin de l’oreille interne, et s’y installer.

Bip… Bip Bidibip… Les machines s’adaptèrent à la vision de chacun et l’optimisèrent. La pièce s’éclaira d’abord tout noir/tout blanc, crue, trop contrastée, puis les niveaux de gris se dégradèrent, créant par la même ombres, volumes, distances et fines perspectives. Vingt secondes plus tard, le salon numérisé apparaissait, baigné par un pâle soleil d’hiver. Comme toujours la reconstitution des couleurs se ferait plus lentement. C’était comme ça.

Une comtoise sonna quatre heures du matin. Le chef s’engagea dans l’escalier, suivi de près par Darvon un flytox prolongeant sa main. Quand les deux hommes furent à mi-étage, Martinez, Traoré et Dussartre montèrent à leur tour. Si l’on avait pu voir au travers de leurs lunettes on n’aurait pu y déceler aucune tension, aucune peur. Franck Ouest et son frère Seb étaient restés en retrait, tapis dans l’ombre, chiens de garde aux abois au cas où il y aurait un pépin, probabilité plus que minime.

La stratégie avait fait ses preuves. Au bout d’une cinquantaine d’enlèvements la machine était bien rodée.

Et les hommes de l’archimaire confiant.

Le chef inspira un grand coup, prit son élan, et fonça dans la porte comme un animal pris au piège. La chambranle resta dans ses gonds mais revint si vite qu’il s’en fallut de peu pour que Darvon ne se la prenne en pleine face. Ils se jetèrent sur le couple prostré dans les bras l’un de l’autre, terrorisé. Une immobilisation digne des meilleurs éléments du G.I.G.N.

 

Violette et Jérémy Silvermann vivaient au 243 depuis six ans. Après de nombreux déménagements à répétition et autant d’intramutations pas toujours heureuses, l’entreprise et sa redoutable roulette semblait enfin les avoir oubliés. Dans la confidence ils auraient avouer que ça les arrangeait plutôt. Dream©OM avait fait d’eux cette fois-ci des artisans boulangers. C’était comme si les Silvermann n’avaient jamais rien fait d’autres. Ils étaient heureux et comptaient bien y passer la fin de leur jours, tranquillement installés dans une vie sans histoire, une existence lisse, régulière, une sorte de retraitecomme on disait autrefois.

Bien sûr tous les matins de bonne heure, à six heures tapante, la camionnette de l’Archimairie leur livrait palettes de pains et autres croissants chauds. L’odeur délicieuse emplissait instantanément le magasin. Il n’y avait alors plus qu’à endosser le costume, se fariner un peu le portrait comme avant d’entrer en scène, et finalement servir le client avec le plus de chaleur possible, pourtant…

… ce soir là les clients se faisaient rares, et ce n’était pas le premier jour. Violette Silvermann se rassurait en échafaudant des hypothèses qu’elle finissait toujours par trouver ridicule mais tout de même, elle était inquiète. Elle repensa à tous ces bruits qui couraient depuis quelques temps, à ces ragots passant de bouche en bouche, colportées de cliente en client, transportant des histoires plus inquiétantes les unes que les autres. La rumeur parlait d’intramutations massives, de disparitions soudaines, de rafles nocturnes, d’enlèvements mystérieux. Il y en avait même qui jasaient sur un commando noir mené par un homme effrayant, enroulé dans une cape noire…

Un commando noir… !

Et puis il y avait ces grèves… cet archimaire pour le moins suspect. Du jamais vu ! L’atmosphère de Systemville accusait durement le coup. Résultat : les gens sortaient moins, donnait l’air d’être sur leur garde, toujours pressés de se terrer chez eux. Chaque soir ils s’adonnaient pour la plupart au dîner/fiction, à la livraison à domicile, refusant le plus souvent possible les contacts avec le monde extérieur. Comme beaucoup d’autres Violette avait été tentée de mettre ça sur le dos du changement d’archimaire, mais quelque chose lui disait aussi que l’élection de Goulvent n’en portait pas seul la responsabilité, du moins pas entièrement. Quelque chose lui disait que l’Archimairie cachait des secrets autrement toxiques. Et malheureusement ce que la boulangère avait vu cet après-midi confirmait son intuition.

 

19h15.

Mme Silvermann passait son gilet quand elle mit le pied dehors pour la première fois de cette triste journée. Pas un pèlerin dans la Grand Rue. Un sentiment de malaise s’empara alors d’elle, lui donnant la nausée. Elle agrippa la manivelle et baissa le rideau de fer aussi vite qu’elle le pu. La chaîne bloqua nette et lui molesta le poignet. Douleur. Malgré la chaleur générée par l’effort Violette frissonna, pas tranquille. Quand elle rentra par la petite porte qui donnait aussi sur leur maison, elle aperçut son mari dans la cuisine, occupé à se débarrasser de la farine grisant sa chevelure de vingt ans. La boulangère entra sans rien dire et accrocha sa blouse imprimée au clou.

— Toi tu m’couves un truc… » lui lâcha t-il en se servant un verre de cidre. Tu en veux un ?

— Oui.

— Oui pour le cidre où oui pour le reste ?

— Les deux… Jérémy, j’ai bien réfléchi. Je crois finalement que j’aimerais partir d’ici, le plus rapidement possible.

Le goulot de la bouteille marqua un bref temps d’arrêt au dessus de la bolée avant de recommencer à verser.

— Partir… ? Mais nous disions encore dernièrement que la roulette magique avait bien fait de nous oublier. Tu ne t’es jamais aussi bien sentie depuis qu’on à tiré le 243. Un numéro qui en fait rêver plus d’un dans les dédales de Dream©OM. Tiens, il a presque autant la côte que le n°4, tu sais cette reconstitution fidèle du village de pêcheurs sur une île des Caraïbes. Tu…

— Je te dis que je sens des choses, Jérémy. Tu n’as jamais réellement voulu reconnaître en moi ce don, mais aujourd’hui c’est important. Fais moi confiance.

Il soupira, le regard éteint par la résignation.

— Je t’écoute Violette… De toute façon telle que je te connais tu ne me lâcheras plus alors vas-y !

— D’accord mais avant promet moi que tu ne m’interrompras à aucun moment, je…

— Vas-y ! Je t’écoutes bon Dieu !

— OK. Tu sais que toutes les femmes mères de ma descendance directe ont toutes développé, plus où moins je te le concède, des dons de médium, n’est-ce pas ?

—…

— Tu le sais. Je t’en ai parlé assez souvent, n’est-ce pas ?

—…

Il craqua : — Si tu me poses tout le temps des questions, comment veux-tu que je ne te la coupe pas ?

— Jérémy. Il faut que tu me crois. Aujourd’hui j’ai eu des visions.

Il souffla mais se tut.

« C’était cet après-midi, pendant ta sieste. Tu ronflais si fort que j’ai fermé la porte du couloir. Comme aucun client ne semblait se décider à venir j’ai décidé de m’octroyer une petite pause dans l’arrière boutique. Je me laissais allée à rêvasser quand cela m’a prise d’un coup. Comme si on zappait à l’intérieur de ma tête, et puis… Si tu savais ce que j’ai vu ! » Elle s’interrompit et fondit en larmes dans les bras de son mari impuissant. Elle ne préférait pas revoir ce visage, tout mais pas ça. « Il y avait des montagnes de corps, nus comme des vers. Je t’ai aperçu au loin, dans une file d’hommes attendant ton tour comme les autres, tout nu, tu étais maigre, un autre homme, ou plutôt tu n’étais plus réellement un homme… tu m’as soufflé un bisou et puis… c’était horrible. Jérémy c’est affreux ! j’ai peur ! »

Sa femme était grise.

— Violette, tu sais aussi bien que moi que le sommeil de notre peuple est habité par de tels rêves. C’est le lot de tous les descendants des victimes des bouchers nazis du siècle dernier. La shoa habite notre inconscient collectif. nous sommes marqués au fer rouge. Toute la communauté ! On porte ce fardeau qui nous pourri la cervelle de générations en générations. Le pire c’est que nos parents nous ont tellement bourrés le crâne avec tout ça qu’ils nous ont rendus à moitié dingues !

Il serra sa femme qui sanglotait dans ses bras en lui disant des mots qu’elle seule pouvait comprendre.

— Ce n’était pas un rêve Jérémy, je fais encore la différence.

Il ignora sa réponse et ajouta :

— Je finis par croire que si nous avons abandonné nos enfants pour venir ici, c’était en fait pour trancher ce cordon de douleur par lequel nous allions irrémédiablement transmettre le poison. Inconsciemment nous voulions les sauver et nous nous sommes sacrifiés, dans le seul but de rompre cette vieille malédiction »

— Nous avons souvent parlé de tout cela Jérémy. Aujourd’hui ta lucidité et ton courage prouvent que tu commences à comprendre ce qu’a été notre vie. Pourtant je suis certaine que le problème est ailleurs. » Elle étouffa à nouveau un sanglot dans son mouchoir. « Je veux partir d’ici Jérémy. »

— Je vais écrire au nouvel archimaire en prétextant une incompatibilité avec le climat du secteur. Je te le promet. Mais tu dois savoir que cela comprend certains risques : si notre démission est refusée, elle pourrait être mal interprétée par l’administration qui s’empressera de nous muter au hasard de Dream©OM. Et là…

— Le risque est ici, j’en suis certaine. Je le sens.

Jérémy préféra ne pas la contrarier davantage. Il savait qu’il n’oserait jamais demander une mutation. Cela passerait avec le temps. Cela était toujours passé avec le temps. Elle souffrait et il était bien placé pour la comprendre puisqu’il partageait sa vie depuis près de trente ans.

Il la fit asseoir dans leur petit jardinet coquettement fleuri et lui prépara un dîner qu’elle entamât à peine. Les Silvermann passèrent la soirée dans le silence. Plus proches que jamais.

Cela passait toujours avec le temps.

 

Jérémy et Violette Silvermann sont jeunes mariés. Ils habitent la IVème couronne dans un meublé hérité de ses parents à elle. Comme beaucoup d’autres collègues, ils vont perdre leur travail le printemps prochain.

Ce sera pendant une de ces vagues de licenciements de fonctionnaires qui marquera l’installation du System Métacommercial Total. Elle donnera le coup d’envoi de la plus massive, de la plus impressionnante, de la plus impitoyable purge étatique depuis que les actionnaires des grandes firmes siègent majoritairement au conseil des méta-actionaires. Les suicides commenceront aussitôt, nombreux, imprévisibles, incalculables. Certains médias s’efforceront de témoigner de ces faits sociaux sans précédents. Des centaines de couples unis, des milliers de célibataires se donneront froidement la mort avec tout ce qui leur passera par la main, parfois sous les yeux de leurs enfants, parfois même en commençant par eux. Ils n’hésiteront pas à tuer ces petits bouts de rêve en devenir qui ne les remplaceront jamais. D’autres passeront à l’acte sur leur lieu de travail, d’autres organiseront des séminaires-suicide, attachés à en finir collectivement, partageant leur dernier geste avec leurs collègues de bureau, s’unissant dans la mort, avec pour seul testament d’être enterrés dans une fosse commune. Il n’y aura pas un quartier, pas un immeuble, pas une cage d’escalier sans son lot de macchabées. Inutile de dire que pour tout ceux qui choisiront de rester en vie, les choses ne seront pas faciles.

Le couple Silvermann ne se laissera pas tenter par la mort mais sombrera dans une profonde déprime conjugale, et cela pendant près d’une année. Comme tant d’autres on les montrera du doigt :

Chômeurs ! Ils auront ce honteux C rouge cousus sur le cœur. Une casserole accrochée à la queue d’un chien. Une cible pour les pierres. Cette lettre nauséabonde les mettra à coût sûr au banc de la société. Leurs amis du privé les lâcheront, les traîneront dans la boue. On les tuera à petit feu. C’est du moins ce que les médias leur raconteront, et ils y croiront…

Heureusement ils vont recevoir ce courrier électronique prioritaire signé Dream©OM. Heureusement ?

Quand ils s’apercevront qu’elle est enceinte ils auront déjà répondu à l’annonce. Leur décision sera prise.

Violette Silvermann accouchera sous x de deux filles jumelles qu’ils abandonneront — sans même leur donner de prénoms — à l’administration. Motif signé des deux parents : Dream©OM n’accepte pas les enfants.

Vingt trois ans plus tard Violette s’en veut encore. Elle ne sait pas ce qu’en pense son mari car il n’a jamais essayé d’en reparler depuis ce jour d’été, jamais, enfin jusqu’à aujourd’hui.

Ce soir là elle s’endort après lui et rêve à ses enfants, à ses petits-enfants qu’elle ne connaîtra jamais.

 

3h57

C’est Violette qui ouvrit l’œil la première. Le bruit recommença, un peu plus fort, doublant douloureusement le rythme de son cœur. Un bruit plastique, collant, un bruit de bottes, de semelles en caoutchouc. Un bruit de haine.

— Jérémy… Elle le remua sans résultat.

—…

— Jérémy…

« Jérémy ! Réveille-toi ! Y’a du monde en bas… »

— Hein…

Il se releva d’un coup et tendit l’oreille.

La pendule sonna quatre fois au rez-de-chaussée. Le dernier coup amplifié par les précédents résonnait interminablement dans la nuit. Elle agrippa l’avant-bras de son mari et posa sa joue sur son épaule. C’est alors qu’il y eut de nouveau des pas, plus près, des chuchotements et….

 

4 h 00

Traoré, Bourdier et Dussarte bondissaient sur le lit et ceinturaient le couple noué par la peur. Darvon se tenait à leur chevet, il les tenait en joue, prêt à les gazer. Martinez s’approcha, sur ses gardes, comme s’il avait à faire à des animaux sauvages. Chacun de ses gestes avait été répété des dizaines de fois. Bien sûr la sérénade était inutile. Ils n’opposèrent aucune résistance, ne demandèrent rien, résignés, certains que ces hommes ne savaient rien des origines de l’ordre qui les avaient programmés.

Le chef entra en allumant la lumière. Il attrapa Violette par la taille et lui pinça brutalement la peau des joues. Elle hurla, défigurée par une affreuse grimace. Sans se détourner il gifla Jérémy qui sentit sa bouche se remplir de sang. Le supérieur passa la main à Traoré. Il croisa les bras et prit un air bonhomme. Il se préparait à réciter son texte écrit de la main même de Goulvent quand il pensa au timing. Il commença donc par regarder sa montre.

— Il est 4h03. Vous êtes en état d’arrestation à partir de cet instant. Nous allons vous conduire à l’Archimairie où les services municipaux se feront un plaisir de vous prendre en charge. Vous n’aurez besoin de rien ; ni valise, ni brosse à dents ni affaires d’aucune sorte. Dream©OM prendra en charge tous les détails de votre voyage.

Il répéta ce qu’avaient entendu tous les employés juste avant leur arrestation tout en manipulant le large rouleau de scotch noir dont il saucissonna sans ménagement le couple par trois tours bien serrés.

— Vite fait, bien fait ! » les nargua Dussarte en singeant le geste de son supérieur.

— La roulette… ? » se demanda Jérémy à voix haute. Jamais un départ n’avait prit de telles allures d’enlèvement.

— Si c’est la roulette, on dirait qu’vous avez tiré le mauvais numéro ! » Le chef s’emporta dans un rire qui les fit trembler comme des feuilles. « Le gibier dans l’fourgon ! Allez oust ! »

Une fois le couple Silvermann rangé dans la camionnette avec une demi douzaine d’autres employés, le chef se retourna vers ses hommes.

— Bien… c’est bien les gars… c’est bien… mais le moment n’est pas encore venu d’aller roupiller. Il nous reste encore une mission. La maison suivante est située à l’ouest de la ville, elle est facile d’accès… » Il parlait lentement, hachait ses phrases. Il semblait fouiller dans sa mémoire comme dans un vieux grenier plein à craquer de reliques oubliées. « Putain de loi du papier ! Je ne me souviens plus leurs noms mais c’est un vieux jardinier et sa fille. Il parait qu’ils ne sont pas du genre à se laisser emmerder alors gare aux pertes de temps inutiles. Suivons le Plan d’Action à la lettre et tout se passera bien, comme d’habitude. L’archimaire serait extrêmement déçu si nous ne menions pas au bout la mission qu’il nous a confiée…

L’escadron noir disparut dans le véhicule, chacun à sa place. Une des portière ne fut pas suffisamment retenue si bien qu’un concert de jappements se relayât dans tout Systemville. Le fourgon démarra en douceur et disparut dans la nuit, incognito.

 

 

Il était 4h10 et Størky priait pour qu’Emma ne soit pas là.

 

 

 

 

 

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